Méthode ou changement de conscience équestre ?
- Francis Stuck
- il y a 6 jours
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L’équitation contemporaine entretient une ambiguïté ancienne : prétendre au lien, mais recourir à la contrainte par la soumission. Derrière les gestes codifiés, les protocoles d’apprentissage, les postures dites “correctes”, se dissimule une tension non résolue. Celle d’un cheval réduit à une mécanique, face à un cavalier rivé à sa méthode.
La méthode classe, ordonne et corrige. Elle segmente, répète et impose cadences et postures. Elle facilite la reproduction de l’action, elle autorise la transmission, mais elle assèche la conscience du geste. Dans son essence, la méthode conserve un fond mécaniste, hérité de l’équitation militaire, puis sportive. J.-P. Digard, anthropologue et spécialiste des relations homme/animal, souligne que l’équitation occidentale s’inscrit historiquement dans une logique de domination utilitariste, où l’animal demeure “outil d’expression” plutôt qu’alter ego.
À l’inverse, la conscience équestre ne découpe pas, ne reproduit pas. Elle demeure systémique, panoramique et globale. Elle écoute et unifie. Elle s’ancre dans la grégarité, ce principe premier que portent notamment les mammifères. Il s'agit de ce besoin viscéral d’appartenance, de sécurité dans le groupe, d’accord intérieur. Il potentialise la résonance émotionnelle positive et l'action cognitive par voie de conséquence. La conscience du cavalier ne peut donc se dissocier de cette structure. Chaque geste qui ne reconnaît pas cette grégarité fracture le lien. Chaque pression mal ajustée, chaque “correction” brusque inscrit dans le corps du cheval non une information, mais une menace qui active l'instinct de fuite.
Les accessoires coercitifs tentent alors de juguler ce travers.
Par acquis de conscience, une certaine équitation “moderne” tente souvent un compromis : adoucir la main, alléger la jambe, atténuer la sanction. Mais réduire l’intensité ne modifie pas le fondement. Le principe de soumission par l'inconfort et la douleur persiste. Il ne s’efface pas sous l’atténuation. Rolf Becher, cavalier et pédagogue allemand, l’avait exprimé dès les années 1970 : « Un geste, même affiné, ne devient pas juste tant qu’il conserve une intention de contrôle. » La finesse ne sauve pas la violence. Elle la masque.
Autrement dit, pour nombre de cavalier en proie à cette dichotomie : "Donnons des caresses et des friandises, tenons les rênes un peu moins fort, mais gardons le principe. Après tout, tout le monde fait ainsi."
L'équitation illustre alors parfaitement les études de Stanley MILGRAM : la culpabilité n'existe pas dans ces conditions.
Le changement ne relève donc pas du dosage. Il requiert une mutation de la structure même du regard et de la conscience équestre. Il s’agit de quitter le paradigme de la soumission pour entrer dans celui de l'intelligence cognitive.
Ce déplacement intérieur du cavalier de la méthode vers la conscience suppose un effondrement des repères paradigmatiques. Le cavalier ne dirige plus, il accompagne. Il ne transmet plus une forme, il accueille une réponse. Il ne crée plus un effet, il ouvre une relation par un langage intelligent.
Dans ce contexte, le corps lui-même change de fonction. Il ne produit pas de réponse mécanique, il émet une qualité d’intention. Il devient lisible, fluide, ouvert. Il n’impose pas le mouvement, il l’invite.
Changer la conscience équestre ne revient pas à monter autrement. Cela implique d’habiter autrement le lien.
Atténuer les habitudes revient à accepter de faire un peu moins mal pour limiter nos propres culpabilités. Mais le mal persiste et pour le cheval, rien ne change.
Nous observons aujourd'hui beaucoup de compromissions en ce sens. On continue comme avant, mais un peu moins fort.
On intègre quelques notions d'éthologie à son action pour se rassurer. Mais rien n'y fait.
La conscience équestre doit être revue dans son essence et au-delà le regard que nous portons sur les chevaux ainsi que nos mode de communication.
C'est l'objet de mon livre : " Les fondements de la relation homme-cheval".
Optons définitivement pour la sensibilité et pour l'intelligence.
Découvrez et essayez ... nous en parlerons avec grand plaisir ...
Francis Stuck

Cet article exprime très bien ce qu'il nous faut comprendre. Le cheval nous écoute depuis longtemps et cherche à nous comprendre. Nous ne faisons que parler, sans l'écouter. Il est temps que cela change