Noël, la naissance de la conscience créatrice en nous
En ce jour de Noël, la naissance du Christ dans l’humble crèche de Bethléem prend une dimension symbolique et spirituelle universelle. Le Christ, l’homme divin, incarne cette union du céleste et du terrestre, ce que Carl Gustav Jung nommait « le Soi » dans sa théorie des archétypes. Chaque individu, à l’image du Christ, porte en lui une étincelle de la conscience créatrice originelle, comparable à cette lumière primordiale évoquée dans les récits sacrés et les traditions initiatiques et que chacun nomme Dieu, Allah, Buddha, Grand Architecte de l'Univers ou autrement encore.
Cette lumière, en alchimie spirituelle, correspond au rubedo, la phase finale du Grand Œuvre où la matière brute retrouve son état parfait. Jésus-Christ, dans cette perspective, agit comme un miroir, rappelant à l’humanité sa capacité innée à transmuter les ombres de l’inconscient en lumière consciente. Marie-Louise von Franz reliait cette notion à l’idée d’union des opposés, où l’ombre et la lumière coexistent en harmonie pour produire l’accomplissement de l’Être.
Il y a plus de 2000 ans, la venue du Christ ouvrait un chemin, non par une imposition dogmatique, mais par une invitation à retrouver cette flamme intérieure. Le philosophe Pierre Hadot, en explorant les écoles de pensée antiques, montrait que la quête du divin passait par une transformation intérieure, un askesis visant à accéder à une vie éveillée. Jésus, en prenant la forme humaine, plaçait cette potentialité divine à la portée de tous, rompant avec les cadres exclusifs des cultes élitistes.
La renaissance célébrée à Noël reflète également les cycles naturels. Cette fête, superposée aux célébrations païennes du solstice d’hiver, symbolise le retour de la lumière après la nuit la plus longue. Historiquement, les traditions chrétiennes ont enrichi ce symbolisme cosmique d’une portée spirituelle universelle : une renaissance intérieure accessible à chaque être conscient.
L’étincelle divine en chacun de nous agit selon des lois d’interconnexion et de transformation. Les alchimistes médiévaux, tels que Nicolas Flamel ou Basile Valentin, décrivaient le processus alchimique comme une métaphore de l’évolution spirituelle. La prima materia, matière brute, représente l’état d’ignorance et de fragmentation. Par le travail sur soi, symbolisé par le feu alchimique, cette matière se transmute en or spirituel.
Cette transmutation dépasse les simples limites humaines : Rupert Sheldrake, par les champs morphiques, suggère une interaction entre toutes les consciences, qu’elles soient humaines, animales, végétales ou minérales. Ainsi, l’étincelle divine résonne avec les autres étincelles, formant une toile cosmique où chaque acte, chaque pensée, influence l’ensemble. Ainsi, toutes nos pensées, intentions, paroles et actes interagissent universellement et forment notre temporalité individuelle et collective. Nous tenons donc tous une part de responsabilité dans la phénoménologie que nous vivons.
La conscience créatrice en chacun de nous appelle à un dépassement de l’automatisme. Simone Weil, dans ses réflexions sur l’attention, considérait la prise de conscience comme une libération de l’âme, une capacité à dialoguer avec l’Être intérieur. La naissance du Christ, célébrée à Noël, devient ainsi une allégorie : un rappel de l’urgence de se tourner vers cette flamme intérieure pour dépasser les conditionnements extérieurs.
En occident, les Rose+Croix, les Hésychastes et les Soufis travaillent en ce sens la voie alchimique du coeur. Les taoïstes, hindouistes et autres Buddhistes en font de même en orient.
Spinoza, dans son Éthique, écrivait que la liberté authentique repose sur la connaissance de soi et de la nature des choses. Apprendre à connaître les lois d’interaction de l’étincelle divine revient à s’affranchir des illusions et à reconnaître en soi le créateur d’un monde en perpétuelle transformation.
Les offices et célébrations de ce jour rappellent une vérité universelle : la renaissance ne se limite pas à une croyance ou à une tradition. La flamme intérieure, présente en chacun, transcende les frontières religieuses et culturelles. Certains la découvrent par une foi dogmatique, d’autres par une quête personnelle, d’autres encore par le prisme de l’expérience.
Jésus-Christ, par son message, indiquait un chemin de libération. Loin d’un conformisme religieux, il invitait à une révolution intérieure, une reconnaissance de l’Être divin en chacun de nous. Noël devient alors un appel à l’éveil, un abandon du statut d’automate, une prise de responsabilité dans l’acte créateur.
En ce jour de Noël, que chaque conscience se tourne vers cette lumière intérieure, que chacun redécouvre en lui cette puissance créatrice capable de transformer le monde. En reconnaissant notre interdépendance avec toutes les formes de vie, nous comprenons que notre travail véritable ne réside pas dans l’accumulation matérielle, mais dans la révélation de l’Être divin qui sommeille en nous et de la conscience divine qui par la connaissance de ses lois nous transforme en artisans de notre temporalité individuelle et collective.
Lorsque nous prions, nous ne nous adressons pas à un Être imaginaire extérieur à nous. Nous nous adressons à notre Témoin Silencieux, blotti près de notre coeur et qui attend patiemment ce moment d'éveil qui fait de chacun de nous un Christ créateur.
La naissance du Christ, en ce jour béni, n’appelle pas à une simple commémoration, mais à une renaissance intérieure, une prise de conscience individuelle et collective accompagnée du commencement d'un dialogue avec notre Être profond. C'est cela le véritable sens de Noël et de la prière. Libérons-nous et éclairons le monde.
Joyeux Noël.
Francis STUCK
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