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Parler « cheval » …

Avant seulement que de vouloir monter sur le dos des chevaux, il convient de comprendre le mode de fonctionnement de leur esprit et d’apprendre à parler leur langage. Les chevaux vivent en permanence dans le mode Alpha, c’est à dire dans un mode de fréquence cérébral identique à la méditation et donc de silence mental. Ils ne conceptualisent pas comme les humains, ils analysent les divers événements et les situations en fonction de leur programmation d’instinct et de leurs acquisitions d’expériences de vie. Quand un événement survient, la seule question qui les fasse réagir est liée à l’instinct de survie inhérent à l’esprit qui anime les animaux de proies. Aussi, leurs attitudes se voient-elles régies par la peur ou par la confiance. Ainsi, l’humain doit devenir leur « leader » ou plus exactement leur « professeur » pour pouvoir établir une relation de confiance. Le leader suscite le respect et la confiance alors que le professeur incarne la connaissance. Et l’amour et la bienveillance guident la relation. La connaissance des règles et des lois éthologiques permet de comprendre l’organisation de la société des équidés et de justifier les attitudes individuelles de chaque cheval. Le langage non verbal caractérise ainsi ce mode de communication auquel les humains ne se familiarisent pas spontanément. Et pour cause, ils évoluent en mode Béta, c’est à dire dans une activité mentale incessante. Pour communiquer de manière optimale, ils doivent ainsi se mettre à la portée de l’animal en adaptant leurs attitudes et en contrôlant autant le flux de leurs pensées que toute la gestuelle de leur corps. Car la base du langage réside dans un contrôle de tous les gestes qui représentent autant de signes de langage mais également des pensées, sources d’émotions inconscientes. Puis vient le moment d’apprendre à parler. Comme le cheval ne conceptualise pas, il vit dans un mode binaire. Il répond aux questions par l’affirmative ou par la négative. Ainsi, comme lors de l’apprentissage d’une langue étrangère et après s’être imprégné des modes de vie et des cultures des peuples qui pratiquent cette langue, les premiers mots que l’on apprend sont « oui » et « non ». Et le langage « cheval » n’échappe pas à cette règle. Cela commence par la conduite à pied, puis lors du travail de longe, puis par le travail à pied et également en selle. Le travail à pied permet d’instaurer cette base de communication en différenciant le mouvement et l’arrêt. Ainsi l’arrêt représente au départ l’allure la plus importante. Savoir s’arrêter, attendre, contrôler le corps dans l’espace, rester à l’écoute en veillant au contrôle du mental. Et cela vaut autant pour le cavalier que pour le cheval. Et cette entrée en matière n’exige aucun moyen de coercition. Un langage corporel affiné et une intention bienveillante feront infiniment plus que de force et de rage. Point besoin d’enrênements de caveçons, de brides ou d’éperons. La badine demeure le seul accessoire nécessaire à la pratique de la linguistique équine. Elle représente à la fois le prolongement de la main ou de la jambe, mais également un amplificateur, un micro. Ainsi, à pied, la badine en contact sur la croupe ou sur l’encolure signifie « arrêt », autrement dit « non » au mouvement, tel un frein à main. La badine libérée suscite le mouvement en avant ou en arrière selon la demande du cavalier et signifie « mouvement » ou encore « oui ». Mais n’oublions pas que le cheval répond en miroir aux mouvements du cavalier. Et point besoin de couvrir de grandes distances pour permettre au cheval de comprendre. Il vit à l’instant présent et ainsi il assimile les leçons avec une aisance qui rendrait jaloux le plus intellectuel des élèves. A partir du moment ou le cheval a compris le mouvement demandé pendant deux ou trois foulées, il sera capable de le répéter sur des distances plus longues et progressivement d’enchainer les figures avec aisance. Tout comme nous, ils réagissent infiniment mieux à un langage intelligent et bienveillant qu’à des signaux arbitraires et coercitifs. Et comme ils prodiguent une empathie naturelle envers les humains, les attitudes empreintes de respect et d’amour font des miracles. L’âge mental d’un cheval est celui d’un enfant de trois à cinq ans. Aussi, doit-on varier constamment les exercices afin de maintenir l’attention et l’intérêt. Une action soutenue et persistante n’engendre que désintérêt, lassitude et démotivation. Les défenses y trouvent leur source. La routine est source de nombreux maux et dysfonctionnements. Ainsi pour enseigner au cheval, point besoin de répéter inlassablement la même figure durant des heures. Un exercice présenté intelligemment est acquis par l’élève en quelques répétitions et ce de manière définitive. Les chevaux disposent d’une mémoire infiniment plus efficace que celle des humains. La qualité du résultat ne dépend pas de l’assiduité de l’élève « cheval », mais de la manière d’enseigner du professeur, c’est à dire du cavalier. Le dialogue s’établit sur un principe de « question » et de « réponse ». Une fois la question posée, il convient d’attendre la réponse. Aussi, le maintien d’une tension permanente sur la bouche ou ailleurs créé un phénomène de pression arbitraire. Les chevaux n’ont ainsi pas la possibilité de répondre librement puisque la contrainte est permanente. Les demandes se formulent par petites impulsions délicates qui doivent toujours être suivies d’une cession. Posons la question et attendons la réponse. L’équitation doit se pratiquer avec l’innocence, la force et l'esprit d’une fillette de sept ans. Et comme pour les enfants mais également pour les adultes, la récompense et la gratification doivent suivre toute action. Car le moral et le mental s’optimisent par le renforcement positif. Les émotions positives et le plaisir augmentent la motivation. En faisant appel à l’intelligence des chevaux, à leur sensibilité et à leurs capacités cognitives, les résultats se voient infiniment optimisés et tout devient infiniment plus simple. Alors bien entendu, la performance sportive exige des répétitions à des fins d’optimisation des aptitudes physiques. Mais là encore, les chevaux montrent une volonté sans faille lorsque le respect guide les demandes. N’oublions pas que la résistance physique du cheval est proportionnelle à la différence de taille, de force et de gabarit avec le cavalier. Et tout comme chez les humains, la tension, le stress, les demandes arbitraires et l’irrespect engendrent infiniment plus de dégâts psychologiques et physiques que le travail lui-même. Mais nous savons aujourd’hui également que le cheval lit les intentions du cavalier. Il perçoit les demandes à venir par la lecture instantanée de l’inconscient des humains. Ainsi va la nature profonde du cheval. L’équitation du futur doit intégrer ces notions. Et en faire abstraction signerai une méconnaissance grave du fonctionnement du corps et de l’esprit de la plus noble conquête de l’homme. Avec l’ignorance commence la violence dit l’adage. Et cela se vérifie malheureusement trop souvent en équitation. Au final, l’étude, la connaissance et l’expérience de la pratique de l’équitation dans le respect engendrent une modification de l’état de conscience du cavalier. Ainsi, le professeur n’est peut-être pas celui que l’on croit. Les chevaux apportent infiniment plus aux humains que l’inverse. Mais à condition que l’égo soit jugulé et que les actions soient guidées par le respect et par l’humilité. Comprenne qui pourra ou qui voudra …


Photo : Balaena Art


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